En huit années de pouvoir, Emmanuel Macron justifie sa politique lors d'interventions médiatiques en s'appuyant sur des chiffres et graphiques soigneusement sélectionnés. Cette analyse présente sept graphiques rarement mis en avant qui offrent une perspective alternative sur le bilan présidentiel.
L'argumentaire présidentiel cible les dépenses sociales comme principal problème budgétaire, mais ce graphique révèle que ce sont plutôt les baisses d'impôts qui ont creusé le déficit (62 milliards d'euros en 2023). Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 45,3% du PIB en 2017 à 42,9% prévu pour 2024. L'évolution économique spontanée aurait fait monter ce taux de 1,6 point, mais les baisses d'impôts l'ont fait diminuer de 1,9 point. Cette politique délibérée d'affaiblissement des finances publiques contredit le discours sur la nécessité de réduire les dépenses sociales.
La présentation de Macron sur les retraites joue avec les chiffres en mélangeant âge légal français et âge à taux plein des autres pays européens. Ce graphique démontre qu'en 2020, l'âge effectif moyen de départ à la retraite en France (64,5 ans) est comparable à la moyenne européenne, contredisant l'idée que les Français partent significativement plus tôt que leurs voisins. L'Italie et la Grèce présentent même un âge effectif moyen inférieur (autour de 62 ans), tandis que l'écart entre âge légal et âge effectif varie considérablement selon les pays - une nuance cruciale que le président omet de mentionner.
Si le président se targue de 2,2 millions d'emplois créés, ce graphique révèle que la France fait moins bien que la moyenne européenne, l'Italie ou l'Espagne sur la baisse du chômage. Entre mars 2017 et mars 2025, la baisse du taux de chômage en France (-2,2 points) reste modeste comparée à celle de la Grèce (-13,8 points), de l'Espagne (-7,8 points) ou de l'Italie (-5,7 points). Cette performance s'inscrit dans une tendance européenne générale de baisse du chômage, à l'exception du Danemark qui connaît une hausse, et n'est donc pas exceptionnelle comme le laisse entendre le président.
Contrairement à l'affirmation présidentielle, la France n'est pas le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers. Les données de la Cnuced montrent que la France (22,2%) est largement devancée par la Finlande (66,3%), le Royaume-Uni, la Pologne (39,6%), l'Espagne et le Portugal dans la progression des investissements étrangers entre 2017 et 2023. Cette septième place contredit directement le discours triomphaliste sur l'attractivité française, même si la performance reste supérieure à celle de l'Allemagne (17,1%), de l'Italie et du Danemark.
Le document rectifie les approximations présidentielles sur l'immigration. Ce graphique montre la décomposition de la croissance de la population immigrée en France entre 2006 et 2022, avec les entrées (en jaune), les décès (en rose), les sorties du territoire (en rose foncé) et la croissance nette (ligne turquoise). On constate que la croissance nette annuelle de la population immigrée fluctue entre 80 000 et 150 000 personnes, loin des 500 000 évoqués lors de l'intervention télévisée. En 2022, on observe effectivement une hausse des entrées, mais sans données sur les sorties et décès pour cette année.
Malgré ses dénégations, ce graphique de l'Insee et de l'Institut des politiques publiques révèle que les plus fortunés ont été les grands gagnants des réformes fiscales entre 2017 et 2022. L'effet sur le niveau de vie des ménages montre clairement une courbe ascendante vers les plus riches, avec un pic pour le centile 100 (les 1% les plus riches). Le remplacement de l'ISF par l'IFI (en jaune) bénéficie exclusivement aux plus fortunés, tandis que la suppression de la taxe d'habitation (en violet) et la bascule de cotisations sociales vers la CSG (en rose) ont un impact plus diffus mais toujours favorable aux hauts revenus.
L'argument selon lequel taxer davantage les ultra-riches provoquerait leur fuite massive est mis à mal par ce graphique. On y voit que le taux d'imposition effectif sur le revenu économique réel (ligne jaune) décroît fortement pour les 0,1% les plus riches, passant de près de 15% pour le top 1% à presque 0% pour les 0,0001% les plus fortunés. La ligne rose montre le taux d'imposition sur le revenu taxable déclaré, créant l'illusion d'un système progressif, mais la réalité économique (ligne jaune) révèle que les ultra-riches échappent largement à l'impôt. Ceci démystifie l'idée qu'ils paieraient déjà "trop" d'impôts et qu'une taxation supplémentaire les ferait fuir.
Ces graphiques nous dévoilent la face cachée des statistiques officielles et nous invitent à une réflexion plus profonde sur l'orientation des politiques publiques françaises. Ils démentent méthodiquement les affirmations présidentielles sur les retraites, l'emploi, l'immigration, la fiscalité et l'attractivité du pays.
N'est-ce pas fascinant de constater comment, derrière l'apparente objectivité des données, se dessinent les contours d'une vision politique qui favorise systématiquement les plus fortunés tout en justifiant l'austérité pour le plus grand nombre ? Ces graphiques nous révèlent que l'arithmétique économique peut être spirituellement émancipatrice quand elle met à nu les véritables choix politiques dissimulés derrière un discours technocratique.